L’enfance, l’amour et la mort suffisent à cent pour cent de nos obsessions. Chacun y passe, tout le monde y fait des photos. Les jours s’en vont et laissent des images. Tout peut servir à faire des photographies, une ville, un désert, un chat, le lieu d’un crime… Mais rien ne tient sans un regard en béton.

Telle photo faite à treize ans devant un miroir, l’appareil sur la tempe, un morceau de pain tenu comme un muffle entre les dents, la lumière demeure coincée dans un va-et-vient;

Les yeux portés sur l’image en train de se faire, ainsi celle-ci fut prémonitoire.

Ce n’est pas une mince affaire d’explorer l’Homme, il faut un calvaire et des tortures. Il faut le dépouiller à bout de nerfs, le décaper de ses illusions, prothèses et vantardises. Voici « Dialogue », parents occupés à des explorations grossières de nez et de bouches, le « Père dansant », improbable danseur de la nuit, comme frustré de réalité…

Voilà alors l’éternel féminin foutu en l’air, la fille tenant un cerceau sous le nez d’une mère étrange en chemise de nuit, les poses à égale distance de l’obscène et du cocasse… Goya. Comme si « Mère et Fille » ne suffisaient pas, s’en suit un cortège des représentations, les plus éculées du machisme ambiant… Théâtre de la misère féminine hors les lieux de la séduction… Femmes de ménage en savates, l’amour en fuite …

Mais il ne suffit pas de montrer des horreurs, il faut qu’elles soient drôles, car ce n’est pas notre cruauté qui nous rend insupportables, c’est notre vanité… Les inconséquences de l’Homme sont prouvées.

Les Idioties – 2003

Une petite valise d’objets, de lieux et de personnages servent de pièces à conviction…

Tels sont les « Things and words », somptueux comme ce portrait de  fille avec ses joues roses, désertés comme cette banquette d’un train, désespérants comme le décor de la Stasi, terrifiants comme les baraques des camps, les murs lamentables de la séparation, ennuyeux comme les résidences de la classe moyenne, reposants comme les fleurs d’un cimetière ombragé. Un chat noir aux yeux fous donne la mesure des choses.

Pièces à conviction

Les Passagers – 2009 – Photographies argentique et numérique en superposition.

Les « Passagers » touchent au coeur de cette affaire puisque on ne peut séparer le marbre et la chair. Qu’on ne sait plus si l’on est construit ou déconstruit, en décomposition ou en train d’apparaître. Simplicité de la mise en scène, frontalité, inscription dans le carré, monochromie font un silence de laboratoire…

Une Renaissance n’est pas loin

Une Renaissance n’est pas loin, car enfin nous voici redevenus des énigmes après un siècle de découvertes si terribles et si inattendues que nous sommes effrayés de nous-mêmes. Pas besoin de faire le tour du monde pour faire le tour de l’Homme. Il suffit d’un carré ou d’un rectangle sans encombrement. Si on a de la poigne, on se contente de fonds moyens et neutres. On travaille à grande ouverture pour gommer l’excès de signes. L’on prépare soigneusement sa prise de vue dans sa tête, comme les fresquistes qui ne revenaient jamais en arrière. On plie à son idée les choses et les gens. On calque sur une fragile réalité la trame d’une machine à regarder qui passe à travers les miroirs… Mais au-delà, que reste-t-il du voyage?

Le cruel pouvoir de ne plus vivre entre le marteau et l’enclume

Milou (2007). Pour le catalogue de l’exposition solo “Pasażerowie i inne fotografie” de Diane Ducruet. Galerie SZTUKI WOZOWNIA Torun, Pologne, 2007.


Pièces à conviction

Les bouts d’essai – D’après une série de Collages réalisés depuis les tirages de « Performances of the ordinary« . Série de 4 collage d’après tirages « barytés » au gélatino-bromure d’argent, chacun envion 10×10 cm.

En Introduction, Autoportrait au pain – Tirage « baryté » au gélatino-bromure d’argent, 15X25cm – 1986.