Ludibrium est un mot dérivé du latin ludus (pluriel ludi), qui signifie un jouet ou un jeu insignifiant. En latin, ludibrium désigne un objet d’amusement, mais aussi de mépris et de dérision, ainsi qu’un jeu capricieux : par exemple, ludibria ventis (Virgile), « le jouet des vents », ludibrium pelagis (Lucrèce), « le jouet des vagues » ; Ludibrio me adhuc habuisti (Plaute), « Jusqu’à présent, tu t’es moqué de moi ».

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Dans cette scène photographique de « Father dancing », nulle grâce ni habileté ne sont célébrées. Au contraire, la photographie semble commander à cet homme dépourvu de finesse de s’animer. Pourtant, le titre de la pièce évoque une « danse ».

Cette séquence photographique arbitraire suppose l’existence d’une chorégraphie, mais elle se fragmente intentionnellement. On pourrait évoquer les sculptures scientifiques de Jules Marey ou la splendeur des études de Muybridge, mais ici, ces éléments font défaut. Il n’y a pas de fusion des mouvements, seulement un enchevêtrement chaotique de plans qui se rejoignent sporadiquement.

Quel est donc le dessein derrière cette composition ? Il semble viser à conférer une illusion de mobilité à quelque chose qui intrinsèquement ne l’est pas. La figure patriarcale se dresse devant l’objectif de sa fille, brandissant l’appareil photo comme une arme et ordonnant : « Bouge ! », « Tourne ! », « Avance ! ». Le « danseur » se tient solitaire, sur une scène théâtrale, semblant maladroit et risible, avec un corps peu enclin au mouvement. Cette fois, la figure patriarcale se révèle dans une forme moins élaborée et souple que celle d’un Noureev.

« Father dancing » brise ainsi la traditionnelle immobilité historique du sujet, avec le père endossant le rôle du danseur et étant photographié par sa fille, inversant le schéma évoqué en 2001 dans « Grimaces« .

En utilisant une pause longue, il serait possible de mentir, d’accorder aux gestes une ampleur, d’étirer l’espace et de définir un autre tempo. Cependant, pour parvenir à la bonne cadence, il faut prendre le temps de se libérer mutuellement des rôles traditionnels préétablis, mettant ainsi un terme à cette valse maladroite.

La photographie devient ainsi un outil de subversion, capturant un moment qui transcende la danse pour exprimer quelque chose de plus profondément humain…

14 ème Rencontres Photographiques de Nantes (QPN) 2010 - Nature humaine Opus 2, "Je"

« Father Dancing  » ou « Ludibrium » Diane Ducruet 2005 36 tirages aux sels d’argent – Cet ensemble présente 36 Cadres de format 40×40 cm, soit environ 400 cm x 190 cm.

14 ème Rencontres Photographiques de Nantes (QPN) 2010 – Nature humaine Opus 2, « Je »