« Performances of the ordinary» Diane Ducruet 1999 . 25 tirages aux sels d’argent. Cet ensemble présente 25 cadres de format 40×40 cm. Tirages 20×20 cm.

Le sens de la fête: Les performances de l’ordinaire

Goya s’y connaissait en démons et en sorcières. Il suffit de voir et de revoir les tarés de Charles IV et sa famille pour éclater de rire au spectacle de leurs majestés portant des trognes lamentables.

Quand un monde finit, il se déguise. Le carnaval gagne les élites, et les photographes de cour ont le sens de la fête.

Et la fête contemporaine n’en finit pas. 

En effet, il est amusant de rappeler que le spécialiste de l’inconscient et également inventeur de la libido, avait un neveu qui fit une merveilleuse carrière aux États-Unis d’Amérique en lançant la publicité moderne.  Il s’appelait Edward Bernays. Effectivement il fallait en effet des visionnaires pour chasser des cervelles les images du passé. Tout échanger de Praxitèle à Picasso contre des paquets de cigarettes, des automobiles, des stars et des carnages. 

Car les images rôdent où rôdent les désirs.

Étant donné que les convulsions ou les agonies de l’humanisme ne sont pas des plate-formes avouables à tous et partout… On chargeait les photographes d’habiller les mannequins en Victoire de Samothrace, les hommes d’affaires en hommes cultivés, les intellectuels en prophètes, les bouteilles de gin en diamant brut, les bouteilles d’eau en fontaines de jouvence, les sportifs en chevaliers, les acteurs en auteurs, les actrices alcooliques en figures du destin et les femmes en colliers de perles.

Et le carnaval continue de plus belle, et le monde des images défile un peu comme des top models… Avec les pieds tordus, les joues creuses, et ce déhanchement époustouflant qui s’appelle le luxe. Diane Ducruet se sert de la photographie pour autre chose.

Ce qu’elle donne à voir est évident mais de l’autre côté du miroir.

C’est Helmut Newton dit quelque part qu’il ne photographie que les apparences. C’est avouer qu’il ne s’intéresse qu’à lui et à son fabuleux talent d’organisation des lumières et des ombres pour signaler sa présence au monde, faire sentir comme il sent.  Ses modèles se laissent embarquer dans l’aventure parce qu’ils savent qu’il va les sortir du couloir habituel de leur existence pour les propulser dans un espace de jeux où leur séduction bataille avec leur obscénité.

En fin de compte, ne femme passe la moitié de sa vie à ne jamais oublier qu’elle peut être un objet, que la société la désire ainsi.

Les photos de Diane ne sont pas ce genre d’autoportraits ou les cartes de visites prouvant une espèce de compétence.  Ce ne sont pas non plus des prétextes à revisiter le monde des images ou plus naïvement des chapitres de l’histoire de l’art.

Nous sommes en face d’un lot silencieux d’alternatives : ce n’est pas moi qui me regarde, ce sont d’autres que je donne à voir.

Comme Goya fait de la reine d’Espagne la sorcière d’un sabbat de la politique, je fais de mon corps et de mon être l’image d’un sabbat de la société. Je montre les passe-temps de la vie devenue un sort. Je suis ce qu’on ne veut pas voir. Ceux qui ne peuvent pas se voir ne me verront pas.

Puisque que pour être soi-même, il faut aussi être ailleurs.

Milou – Sur « Les Performances de l’ordinaire « 

Vues de l’exposition collective « Artist as a performer » – Houston Center for Photography, Houston, USA – 2009