Père et fille (ou Grimaces) : Personne ne souffre et personne n’est méchant. Cette page balaie de vieilles habitudes. Le Docteur Duchenne de Boulogne, les cornues ridicules de Frankenstein ont annoncés les noirs d’enfer et les blancs tragiques des pauvres diables empilés dans les chambres à gaz. Une médecine sorcière, tâtonnante, bizarre précède au temps de Nadar, l’acharnement des nazis pour voir de plus près le dernier combat des corps.

Quelque chose de la modernité s’est moqué de la chair ordinaire;

Les photographes ont fabriqué le plus fabuleux carnaval de tout les temps. Des millions de chairs disparues trottent dans les livres, sur les écrans ou les dessus de cheminées. Des mondes encore se donnent de l’importance : Le Führer, les Esquimaux, le soldat inconnu, les stars, le front populaire, le Viêtnam…Picasso tient sous un parasol Françoise Gillot, comme s’il flânait loin de ses toiles :

L’ autre monde est obèse.

Italo Svevo qui se demandait à quoi pouvait bien servir la photographie se contentait de l’essentiel : « A me prouver que j’étais là » .

Cette modestie est redoutable, mais c’est la bonne. Ici des mains d’homme pétrissent une tête de femme. Elle regarde d’un oeil ou des deux, assiste au travail, collabore…

Les mains, comme des chromosomes, renvoient à quelque mystérieuse identité.

Les changements de costume disent que le temps passe. En bas à droite le profil du manipulateur. Il ne s’agit pas d’un marchand d’esclaves en train de vanter la marchandise, ni d’un dieu à lunettes. Pygmalion de son côté ne s’occupait que du marbre.

On devine entre la dame et le monsieur une secrète complicité. Une génération les sépare. Lui, il procède comme à une dernière mise au point. Elle, qui s’est remise entre les mains de l’autre, semble faire le tour de sa propre question, au fur et à mesure
de l’inventaire. Cette question n’est pas celle que se pose la belle-mère au miroir.

C’est la question de savoir « Si j’ai la tête bien faite et si je n’ai pas perdu mon temps« 

La question est posée avec humour : l’oeil dilaté comme celui d’un lapin prêt à cuire, le nez retroussé sans raison au-dessus d’une bouche en accent circonflexe, le clin d’oeil de la fin.

Milou – Sur « Père et fille (ou Grimaces) » – 2003


Grimaces – Étude préparatoire