L’individu n’existe pas parce que l’indivisible, l’Un, n’existe pas. Il n’y a que division et altération constantes. Seul règne l’éternel retour de l’autre, l’infini dépliement d’une ligne de fuite qui se perd dans l’inconnu comme le visage se perdait tout à l’heure dans le jeu de miroir. De même, le monde n’est rien: il n’est que prolifération, juxtaposition, disjonction d’images. Il n’y a qu’une vague étendue qui se déroule, s’enroule, se déroule à nouveau, supprimant toute distance, comblant les vides, frayant des connexions nouvelles, traçant des sillons nouveaux, par où des développements sans fin, faits de bifurcations et de zig-zags, assurent une présence empêchent l’absence.
Gilles DELEUZE. Le plI. Leibniz et le baroque (Critique). Un
« vol. 22 x 14 de 192 pp. Paris, Éditions de Minuit, 1988.
Ce travail fait suite au deuxième volet de l’album de famille (Voir le livre « family games » )
« J’entendis la fermière parler à son coq. Elle avait des mots aimables et des accents de prêtre pendant que d’une main rosée fut cisaillé le cou du volatile. Tant qu’il y eut du sang il y eut des paroles, mais plus un mot sur le tabouret à l’instant de la plumaison… Servir une oie, offrir un alcool ou une cigarette… Nous avons de bonnes manières avant le plaisir et de tous les plaisirs le plus remuant c’est le meurtre pour la bonne cause.
Ainsi fait le déluge, noyant les hommes comme des chats, débarrassant la Terre de ses immondices et de ses mauvaises habitudes… Lorsqu’on fait table rase du passé, tout ne rentre pas dans les poubelles à la même vitesse… C’est bien pour ça que le siècle fut difficile aux monarques avant d’être insupportable aux gazés… Il pleut des victimes depuis cent ans, celles dont parlent les gazettes et celles dont tout le monde se moque. Il y en a une qui m’intrigue depuis longtemps, la famille. » (…)
Milou – Pour Family Games 2008.