Au cirque on ne ment pas, les cuisses servent à ne pas tomber, les fauves serrent les dents comme les hommes. Et les femmes sourient dans les trapèzes. Personne ne séduit, car ils savent qu’entre vie et mort il faut se battre en riant.

Ici, une toile grise pour s’adosser au monde comme chez Nadar, et un plancher ordinaire pour se moquer de la pesanteur: Tels sont les accessoires de ce numéro, où la fille et la mère s’exercent à ne pas plaire. Les sentiments et les oeillades sont restés hors des magazines: Ceux-là même où d’anciennes et de nouvelles vierges papotent en couleur sur les recettes de beauté, les philtres d’amour, les mâles et le cours du dollar…

Ainsi, ces gestes inhabituels disent sans légende qu’elles sont liées par le ventre, par les cris originels, mais aussi la tête, et les jambes et les orifices. Mais, dans le détail, on voit quel étrange corps à corps signifie que la vie se déplace: Que le temps fait toute l’affaire, de l’effacement de l’une à l’affirmation de l’autre; Que la relation est encore plus fascinante quand elles ne se parlent et ne se regardent pas; Qu’un troisième personnage mène la danse, venu du fond des âges, primate, reptile, poisson… fossile encore actif.

Dehors…

Il y a les battements de paupières, les toilettes intimes, les parfums parisiens, les strings érogènes. Les photographes de charme, peuvent crever, fendus comme les caveaux du Père Lachaise…

Là, on peut voir dans les yeux de ces deux illusionnistes que la photographie se passe fort bien  du mensonge et du superflu: Qu’il y a d’autres apparences que les apparences…

Finalement le pouvoir de ces quinze images n’est pas seulement dans les formes, mais également dans les vides qui les séparent. En outre, par les plages noires, blanches ou moyennes, le gris clair du fond remonte dans le plan, les poses deviennent les mots: Celui d’un texte sorcier qui jette en enfer les astrologues du social et de l’identitaire.

Pour tout dire, les hommes qui sauront lire verront enfin que les femmes ne craignent ni dieu, ni diable quand on leur fiche la paix…

Milou – Sur « Mère et Fille I» 2004


Au cirque on ne ment pas : Mère et fille I (2001)

Série de 9 tirages « barytés » au gélatino-bromure d’argent, 20×20 cm.


Vue de l’exposition Rabenmütter Zwischen Kraft und Krise: Mütterbilder von 1900 bis heute, Exposition du 23.10.2015 – 21.2.2016 au LENTOS Kunstmuseum Linz – Autriche.