Voilà bien de la philosophie, pensez-vous… Je le confesse… J’en ai mis un peu trop. Mais quand on n’est pas un danseur ; quand on serait bien en peine non seulement de danser, mais d’expliquer le moindre pas ; quand on ne possède, pour traiter des prodiges que font les jambes, que les ressources d’une tête, on n’a de salut que dans quelque philosophie, – c’est-à-dire que l’on reprend les choses de fort loin avec l’espoir de faire évanouir les difficultés par la distance. Il est beaucoup plus simple de construire un univers que d’expliquer comment un homme tient sur ses pieds. Demandez à Aristote, à Descartes, à Leibniz et à quelques autres.
Paul Valéry, « Philosophie de la danse » (1936)
À la maison, Palmyre et Emmanuel, Dordogne, 2020
La danse fait partie de notre vie (Jeux de société)
Elle a toujours été là. On a toujours aimé danser. D’ailleurs, j’écoute la musique pour danser, plus rarement pour simplement l’écouter.
Au-delà du quotidien qui nous lie, on y a mis de la danse. Beaucoup de danse. Classique, contemporaine, modern-jazz, danses africaines… Chacun a choisi sa ou ses directions. À trois, mais chacun à sa manière.
On répète. On se montre. On se regarde. Plus seulement comme moralement liés par le fait de vivre sous le même toit, par la filiation, par tout le fatras qui accompagne le couple et la famille, avec leurs aléas. Non pas que nous en soyons détachés — tout cela existe — mais nous faisons avec.
Ce qu’il y a de plus serein, c’est ce partage-là. Cet espace commun que la danse ouvre entre nous, et qui reste pourtant différent pour chacun. Ces allers-retours incessants entre ce que l’on sait de qui l’on est — ou de ce que l’on croit être — et les moments où l’on se perd.
« Performances of the ordinary» Diane Ducruet 1999 . 25 tirages aux sels d’argent. Cet ensemble présente 25 cadres de format 40×40 cm. Tirages 20×20 cm.
à trois mais chacun pour soi
Et c’est précisément ce récit-là, à trois mais chacun pour soi, de cette perte — cette matière noire — qui nous permet de vivre ensemble, d’avoir envie de rester ensemble, de ne pas nous répéter. Chacun s’engage dans sa propre exploration du corps, de l’autre, du mouvement, mais avec un langage commun, qui dépasse le langage ordinaire. Un langage fait de regards, d’énergie, de présence.
Pas de génétique ici. Pas de lien du sang ou matrimonial à défendre. De fait, on n’en a pas besoin et, à vrai dire, on s’en fout. Ce qui restera à chacun de nous de cette histoire commune, ce seront ces émotions. Et les situations qui les ont rendues possibles. Parce que sans avoir été ensemble, on n’aurait pas su les atteindre.
La danse est l’un des rares dispositifs capables de faire lien et de faire sens, simplement.
« Certaines choses peuvent être dites avec des mots, d’autres avec des mouvements », disait Pina Bausch.
« Father Dancing » ou « Ludibrium? » 2005 36 tirages aux sels d’argent – Cet ensemble présente 36 Cadres de format 40×40 cm, soit environ 400 cm x 190 cm.