Deux hommes prennent des poses avec une espèce de maladresse. Ils sont en tee-shirt ou torse nu, ils ont des caleçons informes, ils ont du ventre, de la différence d’âge…. Ils ont l’air peu entraînés à la mise en scène… Le décor consiste tout d’abord en un mur jaune avec une boiserie artificielle comme dans les bistrots de campagne des années cinquante, le sol est lisse et brillant, la lumière sur le côté. 

Sinon, les choses se passent en plein air, au milieu d’ arbres fruitiers…

Les deux personnages dansent un tango peu langoureux, essaient de lutter, font semblant de démarrer une course… Ils s’offrent un fruit, croisent aussi les mains sur leur ventre comme nos grands parents chassés du Paradis Terrestre. On singe ici des épisodes de la grande peinture baroque ou renaissante: la mort de Procris, des coureurs à la Poussin.

Ces corps se distinguent par quelques parallélismes et rondeurs, où s’expriment les saillies et les bosses de la filiation. Ainsi remontent de vieux souvenirs, assez proches des mythes et plutôt près des ridicules. Voilà qu’on laisse parler des membres, des abdomens, des rachis des épaules et des nuques.

Les dessins de leur côté, poussent la métaphore à la main. Technique vieille de cent mille ans, à peine plus jeune que l’intelligence, travaillée sur les cavernes et reprise infiniment. Pour peser les hommes, les crayons pèsent les âmes, cernent les parts de non-sens, les plaisirs répétés, les tournures.

Il suffit d’une épaisseur de mine pour expédier au ciel ou en enfer, tel est le dessin, Cosa mentale, impitoyable quand l’esprit s’y promène.

Les photographies et des dessins se croisent:

La fille prend des photos de ceux que dessine sa mère, photographie son père et son frère mais sa mère dessine un fils et un époux ,

ce qui fait des angles de tir où les regards tapent différemment au physique et au mental…

Nous sommes opérés de cette cataracte insupportable, la perspective unique, plaie occidentale qui consiste à ne voir que d’un oeil dans une direction choisie, que l’on appelle la bonne puisqu’il n’y en a pas d’autres.

Dessins de S. Ducruet pour Males Posing

La famille nucléaire

Dans un mélange incestueux de genres et de techniques, la famille nucléaire s’est ici sauvée du temps contraint, recomposée derrière et sous les optiques pour des loisirs à peine différents de ceux des premiers jours …. Une sorte de liberté, de pacte de sang et de coeur se dessine comme les magies de l’ancienne Egypte quand il fallait éterniser les promenades et le vol des oiseaux sous le disque solaire.

Milou, à propos de “Males Posing”, 2007



Two men strike poses with a kind of awkwardness.
They wear T-shirts or stand bare-chested, with shapeless underwear, soft bellies, and a clear age difference… They seem untrained in the art of staging. The setting first consists of a yellow wall with artificial wooden panelling, like in country cafés of the 1950s; the floor is smooth and shiny, the light coming from the side.

Otherwise, the scene unfolds outdoors, among fruit trees…

The two figures dance a rather ungraceful tango, try to wrestle, pretend to start a race… They offer each other a fruit, and at times fold their hands over their bellies like our grandparents cast out from the Garden of Eden.
Here, one mimics episodes from grand Baroque or Renaissance painting — the death of Procris, runners in the manner of Poussin.

These bodies are marked by parallels and curves, where the protrusions and bumps of kinship take form. Thus arise old memories, close to myth and tinged with the ridiculous. Limbs, abdomens, spines, shoulders, and napes begin to speak.


The drawings, on their side, extend the metaphor by hand — an art a hundred thousand years old, only slightly younger than intelligence itself, worked onto cave walls and endlessly revisited. To weigh men, pencils weigh souls, outlining their fragments of nonsense, their repeated pleasures, their turns and twists.

It takes only the thickness of a pencil line to send one to heaven or hell — such is drawing, cosa mentale, merciless when the spirit wanders within it.

Photographs and drawings intersect

The daughter photographs those whom her mother draws — she photographs her father and her brother, while her mother draws a son and a husband —

creating lines of fire where gazes strike differently, both physically and mentally.

We are cured, perhaps, of that unbearable cataract: the single-point perspective, that Western wound which consists in seeing with only one eye, in only one chosen direction — called “the right one,” since no other is permitted.

The nuclear family

In an incestuous blend of genres and techniques, the nuclear family here escapes the constraints of time — recomposed behind and beneath the lenses, for pursuits barely different from those of the first days. A kind of freedom, a blood-and-heart pact, takes shape — like the ancient magics of Egypt, when one sought to eternalise walks and the flight of birds beneath the solar disc.

Milou, on “Males Posing”, 2007

2010 Portraits de famille – Fondation Espace Écureuil, Toulouse, France, Commissariat Sylvie Corroler et Julie Rouge. – La série dessins et Photographies est éditée sous la forme du coffret « Males posing«