On croit qu’on fait un voyage, mais bientôt c’est le voyage qui vous fait, ou vous défait. Toutes les manières de voir le monde sont bonnes pourvu qu’on en revienne. 

L’Usage du monde de Nicolas Bouvier
Diaporama de Things and words

“Une petite valise d’objets, de lieux et de personnages servent de pièces à conviction.

Tels sont les “Things & Words”, somptueux comme ce portrait de  fille aux joues roses, désertés comme cette banquette d’un train, désespérants comme le décor de la Stasi, terrifiants comme les barraques des camps, les murs lamentables de la séparation, reposants comme les fleurs d’un cimetière ombragé. Un chat noir aux yeux fous donne la mesure des choses. »

Milou, Catalogue de l’exposition “Pasażerowie i inne fotografie” à la galerie SZTUKI WOZOWNIA Pologne, Août 2007.

Things and words

Si la vie a un sens, c’est parce qu’on y entre poussé aux fesses et la tête en avant… C’est le seul qu’on puisse prouver.

Ensuite commencent les aventures de l’esprit et du corps qui consistent à tourner autour de la Terre d’ouest en est, en évitant les accidents. La valse autour du soleil se prolonge dans la Voie Lactée. Tel est le sens de la vie pour les gens sérieux.

Les autres gardent les yeux fixés sur la porte étroite de leurs origines, prêts à toutes sortes de sottises, déguisements et mensonges pour briser le mutisme des savoirs vrais.

Qu’y-a-t-il de plus vain que les lettres d’amour, conséquentes dans les romans mais tout juste bonnes aux tiroirs ? La Carte du Tendre fut ridicule aux vrais amants, sornette inutile aux baiseurs…

Nous sommes lâchés sur Terre avec de l’inconscient pour bagage…

Nous sommes lâchés sur Terre avec de l’inconscient pour bagage et deux ou trois désirs imbéciles à la portée des caniches.

L’amour du prochain n’est pas une sinécure, c’est à peine s’il fatigue moins que celui des bourreaux pour les victimes ou des victimes pour leurs tortionnaires.

Pour se débarrasser du fardeau de l’Etre, fort semblable à la couronne d’épines d’un certain bouc-émissaire, il faut évidemment se casser la tête pour s’éloigner le plus loin possible de la porte étroite, du pertuis, dirait Jude Stéfan, qui nous donna le jour…

Donc sauter droit devant soi comme un bouchon de champagne , ne demander ni son reste ni sa route … Ainsi font les chats, incroyablement courageux et viveurs, ne donnant de leçon qu’à eux-mêmes…

Things and words- Stasimuseum Berlin
Stasi-Museum, Berlin, Allemagne

Le Sens de la vie est une astuce de camelots, comme furent le sens de l’Histoire et le Jugement dernier… Aussi, le dernier des chiens sait mourir et les hirondelles n’ont besoin que de mouches pour apprendre à vivre… Qui sut parler aux oiseaux et partager avec les loups ne mentait pas sur l’Homme, car de toutes les infortunes la plus terrible consiste à crever de raison plus que de solitude…

Things and words - Ernst-Thälmann-Park, Prenzlauer Berg - Berlin,
Ernst-Thälmann-Platz, Schönefeld, Allemagne

Tels crevaient de vérité les lecteurs unanimes de la Pravda, émergeant du métro le journal ouvert et psalmodiant les mots du génial camarade….

Tels crevèrent les lignes justes en flinguant les Républicains avant de s’occuper des Nazis…

Ainsi crèveront les dévoués de l’Economie de Marché, les adorateurs du Social, enfin tous les lâches qui ne reposent que sur Bibles, Corans et Traités de l’Axe des Biens…

Car je ne vois d’avenir que pour les insensés, ceux que la Mort garde pour la fin, comme cerises sur le gâteau, car ils ont vidé leur tête des statues, des baraques et des discours.

Mais il se pourrait que plus personne ne soit coupable de vivre, les corps devenus plus honnêtes que les esprits, plus intelligents que la Politique et plus sages que l’Economie…

Puisqu’il faut se faire au non-sens pour s’accommoder de quelques raisons, j’aime l’art de tout dire en faisant parler les autres…

Milou pour Things and words, 2004.

Si la vie a un sens

Lieux de prises de vue (dans l’ordre d’apparition – Diaporama)

Museum für Naturkunde Berlin
Museum für Naturkunde Berlin

Things and words

If life has a meaning, it’s that we are squeezed into the world, head first between our mothers’ buttocks… It’s the only thing of which we can be sure.

Soon come the spiritual and physical adventures that traverse the Earth from west to east, avoiding accidents. This waltz around the sun reaches far into the Milky Way. This is the meaning of life for serious people.

Others keep their eyes fixed on the narrow door of their origins, ready for any folly, disguise or lie that might shatter the silence of true wisdom.

Is there nothing vainer than love letters, crux of novels, left to gather dust in drawers? The Map of Lovers was ridiculous to real sweethearts and sweet-nothings are useless to those who fuck.

We are let loose on this planet, with our subconscious as baggage and two or three idiotic desires standing on the shoulders of midgets. Loving your neighbour is not a sinecure; it’s no more tiring than the love of the hangman for his victims or the victims’ for their torturers.

Jude Stéfan would have us believe that to free ourselves from the burden of being, like the crown of thorns of The Famous Scapegoat, we must break our backs to get as far away as possible from that narrow door, from the sluice that brought us into the world… Surge straight ahead like a Champagne cork, asking for nothing, not even one’s direction… This is the way of cats, so bold and alive, who take lessons only from themselves…

According to History and the Last Judgement, the meaning of life is a hawker’s con… The last dog knows how to die and the swallows only need flies to learn how to live… He who knew how to talk to birds and share with wolves told no lies of man, because, even more than solitude, dying of reason is the most miserable of misfortunes… 

Thus, starved of truth, the readers of The Pravda emerged from the underground, their papers open to the psalmic words of The Brilliant Comrade…

Thus died the forces of good shooting the Republicans before moving on to finish off the Nazis.

Thus will die devout Market Economists, worshippers of Society, all those cowards that hide behind Bibles, Korans and treaties of the Axis of Good…

Because I only see a future for fools, those who keep Death for the end, like the cherry on the cake, because they have emptied their heads of speeches, barracks, and the figures of the past.

It would seem that we are no longer guilty of living; bodies have become more honest than spirits, more intelligent than Politics and more wise than the Economy…

Nonsense must reign to make space for what little reason remains. I like the art of telling all by making others speak…

Lénine, Stasimuseum Berlin
Lénine, Stasimuseum Berlin