Un air de Famille

Les photos de parents ont un air de famille, les pères comme saint-Joseph charpentent et menuisent, les mères toujours un peu vierges se sont échappées de quelque annonciation. Les rides finissent par écrire de belles histoires qui disent à peu près la même chose :

« Heureux quicomme Ulysse, a fait un beau voyage…»

Joachin DU BELLAY (Les Regrets, 1558)

La robe blanche, le costume des noces, un peu de luxe, et les bambins comprennent qu’ils furent les bienvenus dans un monde organisé. Si mystère il y a, ça ne peut pas être grave : rien ne dérange l’ordre des bouquets posés contre les mariés. 

Les conventions nous vaccinent de la Poésie. Diane Ducruet prend son temps pour que les photos  ne traînent pas sur des cheminées ou des tables de nuit. 

Dans l’affaire qui l’occupe, ni dates ni anniversaires. Ainsi, on regarde père et mère comme les voient leurs chats, très près et plutôt obscènes. Débarrassés d’ histoires et liés de corps.

Voilà que les rides s’emmêlent. « Miroir,mon beau miroir » peut dire la photographe, postée à l’endroit de la filiation. Saurait-elle encore comme elle fut fripée aux premières minutes? 

Si l’amour est montrable, évitons le boeuf et l’âne, pendons la sainte famille au vestiaire, accrochons-le sur la croix des fatalités. Enfin, les photographies n’ont enfin plus rien à voir avec l’état-civil et le corps social.

Papa et Maman perdent leur déguisement d’humains.

Milou – Sur « Dialogue » , 2004.